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Les Echos. « Discriminations : nous pouvons les réduire de moitié d'ici 2027 ! »

Un salarié sur cinq estime aujourd'hui avoir déjà été victime de discriminations, un des principaux problèmes de notre société qui semble aujourd'hui impossible à résoudre. Mais selon Karim Amellal, il est possible les réduire de moitié d'ici la fin du prochain quinquennat.


Un salarié sur cinq estime aujourd’hui avoir déjà été victime de discriminations : à lui seul, ce chiffre démontre que le problème des discriminations est l’un des plus aigus auxquels notre société est confrontée, et ce d’autant plus qu’il semble incurable. Enquête après enquête, les études confirment la prégnance d’un phénomène qui continue d’entraver les trajectoires et les destinées d’un nombre considérable de citoyens français. Il en ainsi de l’accès à l’emploi, premier vecteur d’intégration, avec un taux de chômage trois fois plus élevé pour les hommes d’origine nord-africaine (18%) que les autres (6%) ou encore que l’écart de rémunération entre hommes et femmes qui atteint 12% chez les cadres de 55 ans et plus.


Malgré le renforcement de l’arsenal juridique contre les discriminations, notamment grâce au droit européen qui a consacré 25 critères de discriminations (sexe, âge, origine, état de santé, etc.), les dispositifs amont - information et sensibilisation du public - et aval - contrôles et sanctions – n’ont pas permis de lutter efficacement contre les différentes formes de discriminations, en particulier celles qui sont cumulatives et/ou indirectes. Surtout, faute d’outils méthodologiques dédiés, la réalité quantitative (le nombre de personnes touchées) et qualitative (le motif – sexe, origine, religion, handicap) de ces discriminations est sous-estimée.


Pourtant, de par leur ampleur et leur permanence dans notre pays, les discriminations constituent un triple coût pour notre société. Pour notre pacte républicain d’abord qui s’en trouve délité car elles entravent l’appartenance réelle à la République et empêchent l’intégration dans la cité. Pour notre économie ensuite puisqu’en leur absence le gain estimé serait de 150 milliards d’euros (7% du PIB en 20 ans). Pour les individus enfin qui les subissent : le sentiment de rejet se meut progressivement en conviction que cette exclusion est systémique et irrémédiable.


Pour autant, les discriminations ne sont pas une fatalité, encore faut-il s’en donner les moyens, prendre le problème à bras le corps.


Le prochain quinquennat doit être l’occasion d’adopter une stratégie nationale de lutte contre les discriminations qui passe d’une logique de moyens à une logique de résultats, avec un objectif chiffré à l’appui : réduire de moitié les principales discriminations en France d’ici 2027. Pour atteindre ce but, il est possible d’agir sur quatre leviers : un tempo modulé, des outils complets, des dispositifs diversifiés et des acteurs mieux coordonnés.


Le premier est d’inscrire cette stratégie dans le temps avec des objectifs modulés à court, moyen et long terme. Depuis vingt ans, c’est une politique qui avance par à-coups, au gré des circonstances, au rythme des urgences, des modes aussi parfois. Sans doute aussi la lutte contre les discriminations a-t-elle pêché, faute d’un consensus politique suffisant, ou pire, faute d’une prise de conscience collective que ce problème concernait des millions de Français, qu’il était une plaie béante sur notre modèle républicain et que le traiter sérieusement était une nécessité de long-terme, non un hochet brandi au nez des « minorités visibles », victimes parmi beaucoup d’autres de ce fléau national.


Le second est de doter cette stratégie d’un arsenal d’outils complets et pertinents, à l’instar de ce que font par exemple les Canadiens qui disposent non pas d’un indicateur mais d’un dispositif composé d’une panoplie d’instruments de mesure discriminations. Car si les discriminations se glissent partout, elles ne sont mesurées que de façon éparse, à travers des testings ponctuels, des enquêtes circonscrites, des travaux de chercheurs. Pour mettre en place un dispositif complet et lisible, nous proposons que cette stratégie se dote d’un observatoire unifié des discriminations associant tous les acteurs (chercheurs, praticiens…) et dont le périmètre comprendrait aussi bien le secteur privé que le secteur public. En outre, les politiques de diversité déployées dans les organisations – publiques et privées – gagneraient à mieux prendre en compte la diversité sociale, par exemple la part d’employés qui résident dans des quartiers « politique de la ville ».


Le troisième est d’enrichir les dispositifs juridiques de lutte contre les discriminations par des instruments plus diversifiés : prévenir les discriminations par des formations adaptées et obligatoires pour tous les recruteurs ; diffuser des campagnes massives d’information sur l’illégalité des discriminations auprès du grand public ; encourager la mise en place de labels récompensant les acteurs vertueux ; développer les approches en bonus/malus (« name and congrats »).


Le quatrième levier est de mettre en cohérence et de coordonner les acteurs, aujourd’hui nombreux mais fragmentés, de la lutte contre les discriminations. Entre la justice, le Défenseur des droits, la plateforme anti-discriminations, le numéro d’appel 39 28, les outils de testings ou encore les labels égalité ou diversité, les acteurs et les outils sont éparpillés nuisant à la fois à la lisibilité mais aussi à l’efficacité de la politique de lutte contre les discriminations. Nous proposons une entité publique unifié et indépendante dotée de ressources pérennes qui soit pleinement dédiée à la lutte contre les discriminations, sur le modèle de la HALDE, dont les pouvoirs seraient élargis en matière d’investigation et de sanctions.


La lutte contre les discriminations doit ainsi être érigée au rang de priorité du prochain quinquennat. Notre République sera ainsi à la hauteur de ses principes.




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